Mise à jour le mercredi 13 décembre 2023 par Pierre
Toponymie
Le lieu est attesté sous les formes Luvera en 63215, Luvra en 65215, Lupera en 860, Latvero au xie siècle15, de Loveriis en 1096, Loveriæ en 109715, Luveris en 109816, Luvras et Luvrigius en 110715, Lovræ en 119615, Luperas au xve siècle.
L’étymologie du mot Louvres (cf. aussi le Louvre, Luvrea au xiie siècle ; apud Luparam Parisius en 1222) ne fait pas l’unanimité parmi les toponymistes :
- Formation toponymique gallo-romane *LUPARA ou médiévale précoce (absence d’article défini), basée sur le latin lupus « loup », combiné avec le suffixe -ăra, d’où la signification globale d’« endroit fréquenté par les loups ». Il serait un équivalent des louvières, formations médiévales basées sur le nom du loup, mais suivi d’un suffixe différent : -aria17.
- Formation toponymique gallo-romane *(TERRA) RUBRA, basée sur le latin classique rubra « rouge », au sens global de « terre rouge » avec dissimilation 18.
Quant à cette dernière hypothèse, il est à remarquer que le latin classique rubra ne semble pas s’être imposé en gallo-roman, qui ne connaît que RUBEA, dont est issu le français « rouge »19, et aucune trace de dissimilation dans les formes anciennes disponibles.
Histoire
On n’a pas retrouvé d’habitat gaulois dense sur Louvres. En revanche, la présence gallo-romaine est attestée. Une nécropole du Bas et du Haut-Empire est en cours de fouille (2010).
Le ve siècle est marqué par le passage des Huns. Toutefois, le village avait une certaine importance à l’époque franque, plusieurs sépultures aristocratiques richement ornées ayant été mises au jour, ainsi qu’un sanctuaire. Cinq sépultures mérovingiennes (480-520), une d’un homme et quatre de femmes, ont été découvertes en 1987 autour de la Tour Saint-Rieul. La richesse du mobilier trouvé laisse penser qu’il s’agit d’aristocrates proches de Clovis, roi des Francs.
Pour l’époque carolingienne, est attestée la présence d’un habitat étendu sur le site proche d’Orville un kilomètre à l’est de l’agglomération actuelle où se concentrait l’habitat aristocratique ainsi qu’un village modeste aux maisons de bois et de torchis abritant des agriculteurs et des artisans.
Saint Justin y fut martyrisé. La présence de deux églises (tour Saint-Rieul et église Saint-Justin) côte à côte indique également l’importance du lieu au Moyen Âge et à la Renaissance. Louvres possède également sur son sol les ruines du château d’Orville détruit en 1438.
L’état-major des armées prussiennes occupa le château en 1870.
Au début de la première Guerre Mondiale, après la bataille de Senlis, des éclaireurs ulhans allemands sont signalés à Louvres20
Un bombardier américain B17 touché par la DCA allemande explosa et s’écrasa sur la voie ferrée près de Louvres le .
Le , un missile balistique V2 s’écrase sur Louvres21.
Lors du salon de l’aéronautique du Bourget en , un bombardier américain Convair B 58 « HUSTLER » s’est écrasé sur le remblai de la voie ferrée, lorsqu’il effectuait une démonstration.
La commune a connu une importante expansion démographique et économique depuis les années 1970 à la suite de l’ouverture de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle à proximité immédiate. Elle n’a pourtant pas altéré fort heureusement le caractère ancien du bourg.
Lieux et monuments
Louvres compte quatre monuments historiques inscrits ou classés sur son territoire :
- Église Saint-Justin, rue Saint-Justin et rue des Deux-Églises (classée Monument historique en 191440) :
- La partie centrale de la façade occidentale est l’élément le plus ancien de l’édifice, dont le portail roman à double ébrasement de la fin du xie siècle. Son décor démontre le rattachement à l’atelier du prieuré Saint-Martin-des-Champs de Paris, dont effectivement l’église dépendait. Le portail est surmonté d’une baie également romane.
- La nef centrale comporte également des vestiges du xie siècle, mais l’église romane primitive a été remplacé par une construction plus vaste dès le siècle suivant. En subsistent quatre piles rectangulaires à colonnes cantonnées. Puis la nef a été reconstruite au milieu du xvie siècle, probablement sous la direction du maître-maçon Nicolas de Saint-Michel, qui signa la plupart des transformations Renaissance des églises du pays de France. Cette nef actuelle comporte cinq travées et s’accompagne de bas-côtés au nord et au sud. Le chevet plat est éclairé par une vaste baie, non visible depuis la rue car une maison jouxte directement l’église à l’est. Les façades du bas-côté nord sont ornées de décors sculptés finement ciselés.
- À l’intérieur, les voûtes aux dessins variés et nervures compliquées présentent des clefs de voûte pendantes, dont celle de la troisième travée (de 1550 environ) est de dimensions exceptionnelles. En outre, les trois piliers ronds entre la nef et le bas-côté nord sont remarquables, avec des chapiteaux richement sculptés de 1540 environ.
- Les fonts baptismaux datent de la même époque.
- L’église Saint-Justin n’a jamais possédé de clocher, sans doute en raison de la proximité avec l’église Saint-Rieul41,42,43.
- Tour Saint-Rieul, rue Saint-Justin et rue des Deux-Églises (classée Monument historique en 191444) : L’ancienne église, construite à la fin du xie et au début du xiie siècle, comprenait un chœur et un clocher dans le style roman. Cependant, les différents sondages archéologiques effectués ont permis de mettre au jour les fondations de bâtiments plus anciens d’époque mérovingienne, carolingienne et pré-romane.
- Au cours du xviie siècle, un collatéral est adjoint à l’église romane.
- Désaffectée à la Révolution, la majeure partie du bâtiment est probablement détruite au début du xixe siècle. Le clocher et une partie du transept subsistant servent alors de prison jusqu’en 1872. Vidocq y fut enfermé en 180545,46.
- Ferme de la rue aux Blés et de la rue du Milton (inscrite Monument historique par arrêté en 200047) :
- La ferme actuelle, toujours en exploitation et vouée exclusivement à la culture, a été construite dans le seconde moitié xviiie siècle, mais des sondages archéologiques ont démontré la présence d’une ferme en ce lieu depuis au moins le Moyen Âge.
- Au début du xixe siècle, la ferme appartient à la famille Boula de Coulombiers, puis à la famille Boula de Mareuil, habitant le château de Louvres. –
- Le vaste logis à l’ouest de la cour témoigne de la richesse des sols et de la prospérité des propriétaires. La grange au sud de la cour date encore de la fin du xvie siècle et conserve son porche surmonté d’un pignon au centre de la façade. Le local au-dessus du porche servait de pigeonnier et compte 750 boulins carrés. Sinon, la transformation en garage pour machines agricoles a lourdement modifié l’aspect de l’ancienne grange. Les pignons à l’ouest et à l’est sont appuyés par des contreforts ; le pignon est étant visible depuis la rue du Milton. Dans son ensemble, la ferme de la rue aux Blés et de la rue du Milton reste l’une des plus belles fermes du pays48.
- Porte de l’ancien Hôtel-Dieu, 26 rue de Paris (classée Monument historique en 192449) : L’Hôtel-dieu de Louvres était une fondation de Blanche de Castille et de son fils saint Louis et survécut à la Révolution.
- En 1798, il fut réuni à la léproserie sous le nom de nouvel hospice civil. Il ne ferma qu’en 1847 quand un nouvel hospice fut mis en service au 33 rue de Paris. À la suite de la vente de l’ancien Hôtel-dieu à un marchand de pierres, il fut démoli à l’exception de la porte.
- À double ébrasement et surmonté d’un arc de décharge en tiers-point dans le style gothique, le portail comporte au milieu un linteau supporté par un gnome (à droite) et une tête d’un homme barbu (à gauche), représentant peut-être un malade face à la toute-puissante médecine50.
Et puis du nord vers le sud :
- La maison Sainte-Beuve, 82 rue de Paris (pas de lien avec Charles-Augustin Sainte-Beuve) : Hôtel particulier de 1860, construit en briques rouges avec des chaînages et décor en pierre de taille et un toit à la Mansart.
- Le dernier représentant de la famille Sainte-Beuve habitant la demeure fut Georges Sainte-Beuve, maire de Louvres en 1944. L’hôtel abrite aujourd’hui une communauté de religieuses de l’ordre de Saint-Méen et sert également de maison paroissiale51.
- Le cimetière : Il se situe en cet endroit au moins depuis le xviiie siècle52 et conserve encore des tombes de la première moitié du xixe siècle, dont plusieurs sont remarquables. La croix de cimetière date de 185153
- L’on notera le mausolée des seigneurs de Louvres, de forme carrée et reposant sur quatre colonnes. Le dernier seigneur de Louvres, Alexandre Jean Boula de Mareuil, décédé le ; Antoine Jean Boula de Mareuil, dernier possesseur du château décédé en 1825 ; Antoinette Marguerite Joseph Boulas de Mareuil, décédée en 1813 ; et Marc Antoine de la Maye de Bazinville y sont inhumés54.
- La sépulture des familles Mongrolle et trois autres tombes présentent la forme d’un sarcophage55, aujourd’hui inhabituelle.
- Le monument aux morts se trouve également au cimetière, à l’extrémité est. L’obélisque a été érigé dès 1887 pour l’unique soldat de Louvres victime de l’expédition du Tonkin. La sculpture du poilu debout, barrant de son fusil la route des invasions, est un monument en série de Charles-Henri Pourquet, choisie sur catalogue et intitulée Résistance. Elle a été inaugurée le 56.
- Rue du Milton : cette voie la plus ancienne du bourg a conservé son aspect médiéval avec son pavage ancien, ses bornes chasse-roue et ses vieux murs. À l’endroit où la rue décrit un angle droit, elle continuait jadis en direction du sud et était l’une des voies d’accès au village, dont subsistent la rue d’Orville et le chemin vicinal ordinaire no 4 de Goussainville à Louvres. Ici se situe le colombier–porche d’une ferme qui a son entrée principale au 35 rue de Paris. Au premier étage, le bâtiment du début du xviie siècle abrite une pièce d’habitation avec un graffiti de 1873, et au second étage, subsistent les boulins pour la nidification des pigeons57
- La fontaine publique de la place Vitelle, à l’est du vieux village : Il existait sur la place agrémenté d’arbres un puits avec manège, réservoir, lavoir et abreuvoir. Seul le puits subsiste, équipé d’une pompe58. Cette grande pompe en fonte est montée sur une colonne carrée, faite de pierres de taille et de briques rouges.
- L’abreuvoir de la rue de Paris, près de l’entrée sud du village, en contrebas de la rue à l’ouest : Le plan de cet abreuvoir a été dressé en 1749, mais il paraît qu’un abreuvoir ait existé en ce lieu depuis des temps immémoriaux. Jusqu’à la rectification du tracé de la grande route de Paris en 1805, la route était ici au même niveau que l’abreuvoir. L’entrée au bassin a été agrandie en 1843 par l’entrepreneur Poiret. Il est pavé et entouré d’un mur en grosses pierres d’appareil, et ses dimensions sont particulièrement importantes. De ce fait, cet abreuvoir est aujourd’hui unique dans la région.
- L’appellation de gué est courante en pays de France et vient de la similitude avec l’entrée dans un gué, où les chevaux et bœufs pouvaient se rafraîchir après le labour des champs. En effet, le gué servait aussi de pédiluve ou égayoir. L’eau provenait de la source Saint-Justin, plus haute dans la même rue, mais le bassin est aujourd’hui à sec. Restent en place deux auges remplis d’eau à la limite sud du bassin59.
- La croix Saint-Justin, rue de Paris, à l’extrémité sud de la rue où cette dernière rencontre la RD 317 (déviation de Louvres) : Le lieu du monument a été choisi en fonction d’une légende, selon laquelle un garçon de neuf ans aurait été assassiné en cet endroit par des soldats romains au ive siècle, en raison de sa foi chrétienne. Ce martyr du nom Justin est devenu le saint patron de Louvres. Une source de l’autre côté de la rue, un peu plus en bas vers le village, porte également son nom60. – La croix en pierre est placée en haut d’un talus, où conduisent une dizaine de marches. Elle date du début du xxe siècle et est l’œuvre du sculpteur Yvon Chrétien et du graveur Yvon Gabriel. Le socle de la croix est sculpté de fleurs et orné d’un médaillon à l’effigie de saint Justin. Les deux plaques de marbre portent les noms de soixante-deux soldats originaires de Louvres morts pour la France lors de la Première Guerre mondiale61.
- Le site de fouilles archéologiques du château d’Orville, chemin d’Orville – chemin vicinal ordinaire no 4 de Goussainville à Louvres. Ce château médiéval a probablement été construit après 1385 à la suite d’une autorisation royale accordée au seigneur d’Orville, par Charles VI, pour « fortifier de murs et de fossés sa maison d’Orville ». Après la prise du château par les Anglais en 1437, lors de la guerre de Cent Ans, il est repris par les troupes françaises l’année suivante et détruit afin d’empêcher les Anglais de s’y réinstaller. Tout vestige extérieur en avait disparu avant le début des fouilles. Sur le site, il est possible de voir une partie des fortifications remises au jour, le pilier du pont-levis, les traces de l’ancien logis et les anciennes douves. On y trouve aussi deux constructions reconstituées en archéologie expérimentale : une cabane et un grenier du haut Moyen Âge, correspondant à un village situé sur le site à l’époque carolingienne. Le site du château d’Orville est accessible lors des journées européennes du patrimoine ou à l’occasion de visites organisées par le musée Archéa. Le musée présente également les principaux objets issus de la fouilles62.
- Musée Archéa
Le musée Archéa, 56 rue de Paris : musée d’archéologie du pays de France, présentant près de 750 objets issus de 87 campagnes de fouilles menées pour l’essentiel à partir des années 1970. Archéa, ouvert le , est issu de l’ancien musée intercommunal d’histoire et d’archéologie ouvert dans la tour Saint-Rieul en 197963. L’architecte du nouveau bâtiment est Bruno Pantz. Sont couverts toutes les époques de la Préhistoire jusqu’à l’époque moderne, et toutes les facettes de la vie humaine dans ce territoire de l’est du Val-d’Oise. :L’exposition permanente consiste en une salle d’introduction puis une grande salle à l’étage comprenant un parcours chronologique puis un parcours thématique. Cette exposition est agrémentée de plusieurs maquettes reconstituant de différentes formes d’exploitations agricoles au fil des siècles, des illustrations, des vidéos présentant des sites et des métiers de l’archéologie ainsi que des éléments à manipuler. La salle du rez-de-chaussée est réservée aux expositions temporaires, dont la portée dépasse le domaine de l’archéologie locale. Le musée dispose également d’un centre de documentation, d’une salle de projection et d’une salle d’animation. Un programme de manifestations est proposé tout au long de l’année. Par ailleurs, le musée abrite près de 300 m2 de réserves64.
Personnalités liées à la commune
- Georges Sainte-Beuve, maire de Louvres en 1944. Lors de l’arrestation de quatre jeunes résistants venus de Montreuil le , il obtint des occupants de pouvoir les garder chez lui, espérant ainsi leur sauver la vie. Les Allemands les firent toutefois fusiller le lendemain. Seulement un jour plus tard, Louvres fut libéré.
Célibataire sans descendance, Georges Sainte-Beuve légua la maison au diocèse de Versailles, peu après la Seconde Guerre mondiale. - Les aviateurs américains Philipps et Burton, tombés à Louvres le . Un monument leur est dédié au cimetière communal, reconnaissable par une hélice d’avion posée à son pied
Louvres et la littérature
Le comte de Monte-Cristo passe par Louvres dans le roman d’Alexandre Dumas « Et le pauvre cheval reprit le trot enragé qu’il avait suivi depuis la barrière, et arriva tout fumant à Louvres. »65